Ce séminaire est destiné à prolonger et renforcer l'activité de recherche du « Groupe de Travail Interuniversitaire Mathématiques et Philosophie » (GTI-M&Ph), qui depuis 2008-9 fédère des philosophes, des mathématiciens et des historiens des sciences, français et internationaux.
Les activités du GTI-M&Ph ont démarré l'an dernier à l'occasion du séminaire interdisciplinaire « Idées et Nombres », organisé avec le soutien des UMR 8163 (Savoirs, Textes, Langage) et 8524 (Laboratoire de Mathématiques, Paul Painlevé) ; le séminaire s'est achevé avec une conférence du Prof. Burt C. Hopkins (Seattle University) qui a réuni un grand publique de chercheurs, certains venus à Lille spécialement pour cette occasion.
L'objectif du GTI-M&Ph est de fédérer des mathématiciens, des philosophes et des historiens des sciences autour de concepts et problèmes, qui se situent à l'interface des trois disciplines. De tels concepts et problèmes sont étudiés non seulement dans leurs contextes propres, mais aussi dans leurs « possibilités de passage », dans leur « adaptabilité » et « souplesse heuristique ». Il s'agit ainsi de tester dans quelle mesure, et à quel prix, des concepts ou des problèmes, originairement issus d'un domaine disciplinaire, peuvent devenir pertinents et se montrer fructueux dans des domaines disciplinaires hétérogènes mais localement isomorphes. Par exemple : quels sont les dispositifs, les distorsions, les transformations qu'un concept, un énoncé ou un problème mathématique doivent ou peuvent subir afin d'être « traduits » ou « employés » dans le cadre d'un discours philosophique prêt à en accueillir la portée heuristique? Et inversement : comment un concept, un énoncé ou un problème philosophique peuvent-ils jouer un rôle dans la cadre de la pratique et de la théorie mathématiques ?
Une telle perspective était à l'origine du séminaire de l'an dernier, portant sur le couplet « Idées et Nombres ». Cette année il s'agira de poursuivre le travail entamé et de réfléchir sur l'idée même de « transformation », qui est à la base de la démarche épistémologique qu'on vient d'évoquer. Si un concept mathématique devient pertinent - ou devient un « autre concept » - dans un cadre philosophique et vice-versa, comment faut-il comprendre un tel « devenir » ? Qu'est-ce qu'une « trans-formation », une « mutation », une « métamorphose »?
Les notions de « forme » et de « transformation » sont en effet, de plein droit, des notions philosophiques ET mathématiques. Mais elles constituent également des notions fondamentales de l'épistémologie en général et de l'épistémologie des sciences humaines en particulier (biologie, linguistique, psychologie cognitive).
L'objectif des rencontres proposées cette année sera donc de fournir un tableau différenciée des multiples sens de la meta-morphose : du mouvement local au changement de forme, de la variation imaginative aux dispositifs pour établir les principes de permanence des lois formelles, de la géométrie projective à la topologie, de la reconnaissance perceptive des formes aux catégories morphologiques employées dans les sciences du langage.
Depuis son plus jeune âge, l'homme est en effet confronté aux formes, mais aussi à leurs mouvements et à leurs transformations. On retrouve également cette problématique en mathématiques, à laquelle il est naturellement ajouté la notion d'invariants. Tout ceci a été formalisé au XIXème siècle par Félix Klein après une longue et lente réflexion allant de la géométrie élémentaire d'Euclide aux géométries non-euclidiennes. Au cours des siècles, nous sommes passés d'une approche prétendument basée sur le réel à une approche manifestement conceptuelle. Ainsi, le côté empirique de la géométrie s'est avec le temps transformé en un système de pensée. Cette réflexion entre empirisme et axiomatisation est donc indispensable aussi bien dans la transmission des savoirs mathématiques que dans la compréhension même de la nature des preuves mathématiques.
Quant à la philosophie, celui de forme (eidos, morphe) est sans doute l'un des concepts philosophiques les plus anciens, jouant un rôle crucial aussi bien chez Platon et Aristote, mais continuant à avoir des échos dans les mathématiques et la science antiques. Une telle notion est toujours centrale au XIXème siècle, grâce au renouveau conceptuel dû au transcendantalisme kantien d'un côté et à la logique bolzanienne de l'autre (Bolzano étant l'inventeur de la notion même de « forme logique »). Cependant, en dépit d'un tel rôle central joué par le concept de forme, le lien explicite entre « formes ET transformations » ne semble pas avoir fait l'objet d'une étude thématique systématique. Une telle étude philosophique, reconnue par nombre de philosophes du XXème siècle (à l'image de Husserl) comme un véritable « desideratum » reste encore à faire. L'un des buts de ce séminaire est justement de faire un premier pas en direction d'une étude, la moins lacunaire possible, des modes conceptuels de la trans-formation dans l'histoire de la philosophie.
Le caractère transversal des notions abordées permettra finalement d'établir des connexions avec d'autres disciplines, telles la linguistique, la biologie, l'esthétique et la psychologie cognitive (cf. programme ci-joint).
En fonction des résultats obtenus, les organisateurs évalueront la possibilité de publier certains des textes issus du travail commun dans le cadre du séminaire.
Pour que les participants puissent avoir le temps de s'approprier des contenus et réélaborer les résultats des réflexions issues des séances il est convenu que les rencontres soient bimensuelles. Il s'agira également d'alterner des exposés « guidés » par des mathématiques à des exposés « guidés » par des philosophes. S'agissant d'une première exploration, pour l'instant, aucune visée systématique (soit-elle d'ordre historique ou thématique) n'est envisagée. Il s'agit simplement de procéder à un premier « mappage » du terrain.
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