Un regard rétrospectif porté sur le travail, tant d'un point de vue historique que conceptuel, découvrira une réalité très contrastée. Tout d'abord méprisé, marque de l'esclavage dans la Grèce ancienne, antithèse absolue de la liberté et de la souveraineté, le travail est devenu, dans nos sociétés, la marque incontestée de la valeur, l'assise de la personne, le signe pour le moins de son bon ancrage dans la société. Il s'invite, en cette année 2012, comme il le fit de façon retentissante en 2007, dans la campagne électorale. Le travail est ainsi l'un des sujets majeurs qui structurent et organisent le débat social et politique.
Les rencontres et discussions de ce 4e Printemps des sciences humaines et sociales tenteront d'apporter des éclairages sur les caractérisations historiques, philosophiques, sociales, juridiques et économiques du travail qui sont déterminantes pour la plupart des périodes historiques et nous intéressent plus particulièrement encore pour notre présent. Car demander « Que faire du travail ? », c'est en effet poser une question au présent, s'inquiéter d'un état de fait, mais c'est aussi pointer vers un avenir plus ou moins proche. C'est demander en somme ce qui nous arrive, hommes et femmes, qui travaillons (ou ne travaillons plus, ou pas encore). Le travail manque-t-il pour que sa distribution soit si difficile ? Le travail est-il une chose telle qu'elle puisse devenir rare ? Doit-on alors apprendre à le partager ? Encore faut-il qu'il soit un bien pour que l'on puisse en parler en termes de partage. Que signifie dès lors « travailler plus » (comme si les ruses de l'économie mondialisée voulaient que plus de travail produise plus d'emploi) ? Le lien entre travail et richesse est-il encore pertinent alors que se fait souvent ressentir le rapport plus évident encore entre travail de masse et pauvreté ? La richesse _ quelle richesse ? _ est-elle le résultat d'un travail ou le résultat du travail des autres ? Et pour clore ce qui pourrait sembler un constat amer, les temps les plus récents auront placé sur le devant de la scène médiatique les questions de la souffrance au travail : le mot de « stress » aura envahi le vocabulaire commun.
On le voit aisément, ces questions font notre quotidien. Il est facile de leur accorder une force de persuasion et une vertu immédiatement polémique ; mais organiser un Printemps des sciences humaines et sociales sur ce thème signifie pour nous, avant que d'aborder des questions d'actualité, veiller à la façon dont elles sont posées. Que faire du travail, certes, mais d'abord Qu'est-ce que le travail ? et Que fut-il ? Y a-t-il un invariant qui s'appellerait « travail » et qui, de la Grèce ancienne à nos jours, serait identifiable comme tel ? Et par-delà le concept, la réalité entendue derrière ce mot est-elle la même si l'on est artisan ou esclave dans la Grèce athénienne, ouvrier ou contremaître des usines Ford aux États-Unis en 1930, ou un employé à temps partiel aujourd'hui ? Relève-t-on pareillement de la communauté des travailleurs si l'on est au chômage, intermittent du spectacle ou auto-entrepreneur ? Et pourquoi devrait-il aller de soi qu'il nous faut vendre notre force contre un salaire ?
Nous avons invité philosophes, juristes, historiens, psychologues, sociologues, psychanalystes, médecins, économistes, représentants de la société civile ou du monde syndical, pour venir faire part de l'avancement de leurs recherches ou de leur expérience sur le sujet. L'art et le monde de la représentation sont également invités. Comédiens, metteurs en scène, dramaturges, écrivains ou photographes viendront nourrir la discussion, car interroger la représentation c'est, au-delà de l'analyse, surprendre la façon dont une société se met en scène au travail.
Toutes ces rencontres sont libres d'accès (attention ! réservation obligatoire pour certaines). La MESHS a donné pour principe à son Printemps des sciences humaines et sociales de s'adresser au public le plus large, curieux de sciences et de réflexion ; elle participe à sa façon à la construction d'un savoir partagé.
Nous serons heureux de vous y accueillir nombreux.
Frédéric Gendre
(Médiation scientifique, MESHS)
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