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Conçu et animé par Michel Hastings (CEPEN/IEP de LILLE), Loïc Nicolas (GRAL/ULB et GSPM/EHESS) & Cédric Passard (CEPEN/IEP de Lille)
L'étymologie du mot transgression renvoie à l'idée de passer outre, de franchir une frontière. À cette définition première, vient s'ajouter une approche notionnelle plus consistante qui évoque notamment une infraction jugée socialement intolérable consistant à violer délibérément une norme, elle-même garante d'un ordre supérieur. La transgression, ou plutôt l'idée que l'on s'en fait, relève donc de ce travail que les sociétés mènent afin de s'inventer les bornes de leur espace moral et culturel.
Ainsi rapidement approchée, la transgression met en jeu des questions essentielles. Elle interroge tout d'abord sur ce que les sociétés considèrent comme devant relever d'une interdiction radicale sur ces choses et ces personnes qu'elles entendent protéger de manière absolue, ces choses qu'il ne saurait s'agir ni de vendre, ni de donner ni d'échanger, mais de conserver en l'état. En ce sens, la transgression parle de la sacralité et surtout de la sacralisation - de ce qui, d'une manière ou d'une autre, se trouve mis à l'écart, séparé du monde ordinaire - comme expérience fondatrice de l'ordre social et politique.
La transgression évoque également le défi suprême, la désobéissance radicale, celle qui suggère les sentiments les plus profonds de l'effroi et de l'horreur, celle qui construit les figures les plus abjectes du monstre et de l'hérétique, celle qui sollicite les formes les plus définitives voire cruelles de châtiment et de réparation. La transgression se présente donc, dans le débordement, l'oubli ou la négation de l'univers topique (les lieux communs) qu'elle supporte, comme une mise à l'épreuve des sociétés et de leur capacité à réactiver les dispositifs de l'indignation.
La transgression ne peut enfin faire oublier qu'elle constitue un élément important des dynamiques de changement et d'expression critique. De nombreuses mutations sociales, politiques, économiques ou culturelles sont nées d'un acte considéré à l'époque comme sacrilège - acte qui, dans sa survenue même, révélait l'espace de la séparation, et amenait à l'interroger. Bien entendu, l'art, notamment l'art moderne et contemporain, joue des rituels transgressifs pour repousser constamment les lignes de l'acceptable. Dans les domaines de la politique, de l'économique, du religieux et du linguistique également, les figures du dissident, de l'hérétique, du sophiste ont contribué à enfreindre des tabous, à bousculer les frontières du tolérable, au prix souvent de leur sacrifice, mais leur acte hier jugé « déviant » est parvenu à fonder de nouveaux cadres cognitifs ou registres de valeurs, autant que de nouvelles institutions. De fait, la transgression peut aussi participer d'un projet inaugurateur et instituant.
Ce séminaire doctoral se propose donc de croiser les regards disciplinaires (historique, sociologique, rhétorique, juridique, philosophique, politique, etc.), sur l'expérience de la transgression, de réfléchir aux enjeux qu'elle représente, d'essayer d'en démonter les logiques d'élaboration et de reconnaissance, bref de mieux comprendre ce qui se joue dans ce terrible effet de catégorisation, c'est-à-dire de qualification. Les intervenants présenteront librement leurs réflexions autour du sujet et engageront la discussion avec les modérateurs et le public.
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