Ce projet de recherche interdisciplinaire s’intéresse aux pratiques et enjeux associés à l’expertise scientifique du cadavre. La justice, comme toute institution, évolue au gré des réformes. Une transformation généralement lente et continue, rythmée par le débat public et politique. Pourtant, certaines mutations apparaissent de facto, en dehors de toute prise de décision centralisée et sans réflexion préalable explicite. On constate ainsi que l’expertise scientifique du cadavre1 (médecine légale, toxicologie, génétique, etc.) occupe désormais une place centrale dans le processus judiciaire : un procès d’assise sans expertsest devenu inconcevable. Loin d’être un simple auxiliaire de justice, l’expert occupe désormais une place centrale et apparait comme le détenteur de la vérité factuelle : sa parole revêt à ce titre une importance considérable. Paradoxalement, ce bouleversement profond du délicat équilibre judiciaire s’est fait sans changement législatif majeur et sans encadrement réel des pratiques et compétences techniques : la justice semble avoir été débordée par la science.
Partant d’une analyse historique et quantitative de la pratique contemporaine (20ème siècle), cette recherche démontrera dans un premier temps comment l’expertise du cadavre s’est implantée au cœur du processus pénal. Dans un second temps, elle mettra en évidence grâce à des questionnaires et entretiens réalisés avec les acteurs de justice (magistrats, avocats, parties civiles et experts) la perception ambiguë de l’expert et de l’expertise, entre attrayante vérité des faits et opacité technique. Cette difficulté à appréhender, au-delà du rideau technique, les limites de l’expertise, fera l’objet d’une analyse détaillée. Dans un troisième temps, il sera ainsi mis en évidence, pour les principaux champs disciplinaires d’expertise du cadavre, les limites scientifiques et techniques (matériel, données, interprétation, marge d’erreur, etc.). Enfin, sur la base de ces connaissances et d’une approche comparative avec le droit nord-américain et européen, nous développerons en conclusion des pistes pour un encadrement modernisé de l’expertise judiciaire.
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