La polémique à propos des Bienveillantes de Jonathan Littell, mais aussi les œuvres d'historiens (Patrick Boucheron, Yvan Jablonka) et de romanciers (Laurent Binet) ont rendu plus incisif le questionnement sur les rapports entre histoire et fiction. Le présent projet se propose de s'emparer de ces questions en prenant un certain recul. Nos sociétés sont confrontées à la mémoire des événements traumatiques du XXe siècle et à la médiatisation d'une violence scénarisée à des fins de propagande par des groupes terroristes comme l'El. Or les guerres civiles européennes consécutives au schisme religieux du XVIe siècle, parce ce qu'elles constituent un paroxysme des déchirements internes des sociétés, sont un laboratoire de la construction d’une mémoire de la violence extrême et de ses usages, notamment lorsque ces sociétés redéfinissent les valeurs qui les sous-tendent en tournant la page des évènements violents.
Le projet MUM est par conséquent animé par une question intrinsèquement interdisciplinaire. Il s'appuie en premier lieu sur une étroite collaboration entre historiens, historiens des arts et littéraires. En effet, les principales interrogations qui le sous-tendent sont les suivantes : quelle est la part respective de l’Histoire, des Arts et de la Littérature dans la construction d’une mémoire collective des violences des guerres civiles ? Comment sont appréhendées de part et d’autre les idées de vérité et de responsabilité dans la mise en récit et en image du fait violent, par-delà la simple dénonciation ? Comment enfin la dimension morale de ces récits et images contribue à redéfinir les limites de ce qui est dicible et indicible dans ce qu’une société s’entend à définir comme le Mal contre lequel (ou avec lequel) elle se reconstruit ?
Les enjeux d'un tel projet sont à la fois épistémologiques puisqu'en observant la circulation de lieux communs textuels et iconographiques, il interroge la particularité des récits littéraires et historiques et la façon dont ils se modèlent et se façonnent réciproquement ; éthiques puisqu'il s'agit de montrer comment une société pacifiée redéfinit ses valeurs morales en fonction d'une mémoire collective que récits historiques, récits littéraires et iconographie ont contribué à façonner ; anthropologiques en ce que les récits et images mettent en évidence des invariants dans la condamnation de ce qui est défini comme scandaleux et dans les facteurs de résilience d'une société.
La valorisation du projet MUM passe enfin par la constitution d'une base de données numérique d'un patrimoine textuel et iconographique dispersé dans diverses collections.
Coordination du projet : Yves JUNOT, Blandine PERONA
UNIVERSITÉ POLYTECHNIQUE HAUTS-DE-FRANCE (VALENCIENNES) – LABORATOIRE CALHISTE EA4343
Avec la participation d’Enrica ZANIN (Université de Strasbourg, IUF)
URI/Permalien: