Le projet de recherche a pour finalité́ d'appréhender les politiques de communication initiées par les différentes acteurs de la production normative, d'en détecter les formes nouvelles mais aussi d'en apprécier la perception par le public cible et d'en mesurer l'effet réflexif sur le droit.
La notion de communication désigne tout à la fois un acte - délivrer une information, un avis, un message - mais aussi un ensemble de techniques utilisées pour influencer l'opinion d'un public en vue de promouvoir ou d'entretenir une image. Appliquées au droit, les politiques communicationnelles renvoient à une démarche délibérée, développée par les producteurs de la norme, aux différents stades de la prise de décision, dans le but de convaincre, de susciter l'adhésion et de légitimer leur action.
Les politiques de communication touchent en premier lieu la diffusion du droit: il s'agit de faire connaitre la règle de droit ou la décision judiciaire. Si cette préoccupation apparait comme une constante historique, la communication du droit a connu une profonde mutation au regard des supports employés. Ce sont aujourd'hui le site Légifrance - Service public de l'accès au droit -, les sites Internet des ministères, des assemblées parlementaires ou encore des Cours, les communiqués de presse des juridictions, les blogs d'universitaires ou d'avocats, ... qui, à côté des supports traditionnels, diffusent le droit. Le public cible s'en trouve élargi: le destinataire n'est plus le seul public averti, lecteur des revues juridiques, du Journal officiel ou des codes mais c'est l'ensemble de la population qui a désormais potentiellement accès à cette connaissance.
A cette démocratisation apparente de l'accès à l'information juridique, s'ajoute celle de son mode d'élaboration. La production de la norme s'éloigne du modèle vertical et hiérarchique pour s'orienter vers un mode horizontal et participatif, associant les destinataires de la règle de droit et les parties prenantes à son élaboration. Mais au-delà du constat du développement de processus de consultation contribuant à la promotion d'une démocratie participative, doit être observée et interrogée la mutation des formes que recouvre cette démarche. Alors qu'ont été supprimées les commissions administratives à caractère consultatif, et ce faisant, reprouvée la consultation institutionnelle, la circulaire du 8 décembre 2008 relative à̀ la modernisation de la consultation (JO 10 déc. 2008, p. 18777) invite à̀ privilégier une concertation informelle reposant sur «les nouvelles pratiques sociales et les technologies de l'information». Ce sont des consultations via Internet, ouvertes au grand public, qui sont ainsi mises en place, tant d'ailleurs au niveau national - notamment avec l'organisation de consultations à destination de la société́ civile portant sur les études d'impact qui accompagnent désormais les projets de loi1 - qu'européen - avec notamment la publication de livres verts par la Commission européenne dans le but d'initier un débat public.
Ces nouvelles pratiques ne sont pas seulement la marque d'une intégration par le droit de l'usage des nouveaux supports de communication. Elles sont surtout le signe de l'émergence d'un droit nouveau de type communicationnel, caractéristique du paradigme du réseau qui tend à̀ se substitué à̀ celui, déclinant, de la pyramide. Alors que le modèle pyramidal est marqué par un droit hiérarchisé et centré sur l'Etat, fondé sur la rationalité́ occidentale moderne, le modèle du réseau repose, quant à̀ lui, sur «une ontologie relationnelle et cybernétique, liée à une pragmatique de l'intersubjectivité́ et de la communication» (F. OST et M. van de KERCHOVE, De la pyramide au réseau ? Pour une théorie dialectique du droit, Facultés universitaires Saint-Louis, Bruxelles, 2002, p. 18). Mark VAN HOECKE invite ainsi à̀ fonder notre conception du système juridique, de là légitimation de la loi ainsi que du rôle respectif du législateur et du juge sur une conception pluraliste et communicationnelle du droit, plutôt que sur une approche moniste et hiérarchique (Mark VAN HOECKE, Law as Communication, Oxford, Hart Publishing, 2002). Une lecture communicationnelle du droit permet une compréhension renouvelée de la mutation des sources du droit et de la diversité́ des textures que la norme juridique peut recouvrir.
La question de l'influence des procédés de communication sur la norme juridique véhiculée renvoie historiquement à une opposition classique: celle du droit romain - un droit écrit - et du droit coutumier - de tradition orale. Celle-ci témoigne de l'influence de la nature du « support» utilisé pour la communication du droit sur le contenu des productions juridiques. Elle offre également une illustration symbolique des effets du «support» sur la structuration des relations entre «émetteurs» et «récepteurs» de ces productions.
Un même constat peut aujourd'hui entre dressé de l'influence des nouvelles voies de communication mobilisées et des pratiques qu'elles induisent sur la norme juridique produite. C'est l'impact des nouvelles politiques communicationnelles sur la texture et le contenu même de la règle de droit qu'il faudra donc appréhender. A l'ère d'un droit saisi par la société́ de communication, la tentation est en effet grande, de faire de la norme juridique elle-même un outil communicationnel. Apparaissent ainsi des dispositions au faible contenu normatif, destinées à véhiculer des valeurs consensuelles propres à susciter l'adhésion de ses destinataires au projet normatif.
La mise en oeuvre de politiques communicationnelles ne semble, par ailleurs, plus entre l'apanage du seul pouvoir exécutif mais semble gagner l'ensemble des acteurs de la production normative, participant ainsi au brouillage des sources du droit et des fonctions des acteurs de la scène juridique et judiciaire.
Une mise en perspective historique de cette recherche pourrait montrer que la stratégie de communication qui anime les différents producteurs du droit n'est pas chose nouvelle. Une même recherche de légitimité́ guide la démarche communicationnelle des acteurs du droit au cours des anges. Mais, au-delà̀ de cette permanence, devront entre appréciées les ruptures engendrées par le développement tant de nouveaux outils de communication que d'une culture communicationnelle qui gagne le droit.
Afin de conduire efficacement une analyse tout à la fois contemporaine et historique des politiques communicationnelles, ce projet de recherche repose sur une collaboration des chercheurs issus du Centre de recherches Droits et perspectives du droit (CRD&P) et du Centre d'histoire judiciaire (CHJ) de l'Université́ Lille 2.
Cette recherche prend la forme de deux journées d'études organisées à la MESHS de Lille.
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