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christophe.reffait[at]gmail[POINT]com"Description/Narration/Image" (DNI)
Visions de Paris dans le roman populaire français du XIXe au XXe s.
Dans la théorie et l’histoire des formes littéraires, la description telle qu’on la trouve dans le roman français des années 1840 à 1900 sert de modèle (et d’anti-modèle) à toute description littéraire possible. Particulièrement travaillée et aboutie, elle est l’un des supports de l’effet de réalisme promu par une partie de l’écriture romanesque française, y compris dans le roman historique. Mais elle est aussi connue pour son très fort pouvoir d’évocation, qui en fait un des éléments-clés du roman d’aventure et du roman populaire en plein essor au même moment. Les propriétés « immersives » de la description romanesque de cette période sont dues en partie à l’équilibre qu’elle atteint entre narration et description pure : l’objet, le personnage et le décor décrits y prennent vie de façon emblématique, faisant du style de description développé à cette période un support-type de l’illusion référentielle. Il n’est pas question de mettre sur le même plan les descriptions de Stendhal, qui « abhorre la description matérielle », les descriptions polarisées de Hugo ou encore les inventaires détaillés et explicatifs de Zola, alors que la critique littéraire a abondamment montré leurs dissemblances, mais il s’agit ici d’interroger leur même capacité de faire image et surtout de confronter leur pouvoir d’évocation à leur véritable teneur en indications spatiales.
L’un des domaines où la description romanesque s’est imposée de façon importante et significative est l’évocation de la ville. Dans le cas de Paris notamment, au coeur de la définition de l’identité nationale au cours du siècle, la description romanesque a accompagné tout au long du XIXe siècle la série de métamorphoses que subit la cité, transformée profondément par l’augmentation sans précédent de la population urbaine dans le premier tiers du siècle, par le vaste plan de travaux d’Haussmann, par la modernisation des arrondissements centraux de la ville et par l’évolution des limites de Paris. Des années 1840 à la première guerre mondiale, entre déploration de la ville disparue et projection de la ville à venir, le roman français décrit cette transformation, la pense et lui donne sens.
Le programme franco-hongrois « Romanesque de la ville XIXe-XXe s. », porté par I. Hautbout pour l’axe « Roman& Romanesque » du CERCLL (2016-2017, en collaboration avec S. Kalai (U. Debrecen)) s’attache à cerner ce rôle en analysant les usages faits de la ville dans plusieurs situations narratives topiques, notamment dans le roman populaire. En montrant notamment les limites de la cartographie littéraire pour l’identification du fonctionnement de la description dans ces passages, cette enquête fait ressortir la nécessité d’un autre type de projection des données livrées par la description littéraire, qui rendrait mieux compte de la façon dont le texte fait image. De là le projet d’un protocole qui permettrait de mettre en évidence, en les traduisant en modèle 3D réaliste et aussi bien géométrique que photométrique, l’apport des données strictement visuelles (surfaces, mesures, perspectives, couleurs, dimensions etc.) contenue dans ces descriptions.
Isoler grâce à la projection numérique 3D la part des données graphiques, visuelles contenues dans la description littéraire (ici, à partir de l’exemple du patrimoine urbain) permettrait de mieux comprendre la façon dont fonctionne la description réaliste, et à partir d’elle toute description textuelle visant un effet d’illusion référentielle. On sait que la description contient des implicites culturels, a un rapport au savoir, est comme l’écrit Philippe Hamon un opérateur d’intertextualité, enfin peut être avant tout fondée sur un appareil de métaphores : l’intérêt de l’étude est justement d’aller dans ce sens en interrogeant la contribution réelle des dimensions optiques ou graphiques de la description à la construction de l’espace romanesque.
Le projet DNI reçoit le soutien de la MESHS dans le cadre de son programme de projets émergents.
Il est également soutenu par le laboratoire "Centre d’études des relations et contacts linguistiques et littéraires" (CERCLL, EA 4283, Université de Picardie - Jules Verne).
Responsable scientifique du projet : Christophe Reffait (Université de Picardie - Jules Verne, CERCLL)
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