► L'Algérie
30 mars 2012 (IHTP, Paris)
Cette séance à deux voix dédiée à l'Algérie s'inscrit dans le cadre du cinquantenaire de l'indépendance de cet État.
Hocine Aït Ahmed, une pensée politique en action (1945-1963)
par Jean-Pierre Peyroulou (Cemaf, Paris)
Depuis les premiers travaux de M. Harbi, l'historiographie récente du FLN souligne la nature polymorphe du FLN, instrument de libération anti-coloniale mais aussi de coercition. Après quelques décennies de sacralisation tiers-mondiste et à la lumière de la décennie de guerre civile, les études récentes montrent que la violence, largement imputable à la colonisation, était aussi constitutive de la culture politique du FLN, les hommes du Premier novembre l'ayant souvent intégré, non seulement contre le colonisateur, mais aussi dans les rapports avec leur propre peuple. Cette observation générale peut être nuancée en fonction des hommes.
En effet, sur le rapport à la violence comme moyen de relation au peuple, Hocine Aït Ahmed occupe une place singulière. La vie militante du dernier ``chef historique" vivant du FLN avec Ben Bella, est relativement connue, même si aucune biographie ne lui a été consacrée, à la différence des autres grands acteurs du nationalisme algérien comme Abbas, Messali , Ben Bella , Boudiaf.... Sa pensée n'a jamais fait l'objet de véritable étude, alors qu'elle est sans doute l'une des plus singulières et des plus constantes parmi celles des dirigeants nationalistes algériens. C'est sur cette dernière que nous voudrions nous arrêter pour la période qui correspond au combat nationaliste entre 1945 et 1963, date à laquelle il démissionna de l'Assemblée constituante algérienne, écran de fumée devant le tout puissant Bureau politique du FLN auquel il refusa de participer. Cette position le conduisit à passer en 1963 dans l'opposition et dans la clandestinité en Kabylie.
Les pays arabes et la question algérienne (1945-1962)
par Samia El-Mechat (Université de Nice-IHTP)
L'analyse de la relation entre l'indépendance algérienne et l'action d'hommes de pouvoir dans les pays arabes reste une question délicate. Ce point revêt pourtant un intérêt scientifique particulier. L'action internationale et la «solidarité» des «Frères» arabes pendant la guerre d'indépendance et au-delà font en effet l'objet d'interprétations divergentes. Des mouvements complexes et contradictoires ont caractérisé les politiques algériennes des dirigeants arabes du Maghreb et du Machrek. Cette approche, qui s'inscrit dans une histoire globale du rôle des forces internationales dans les processus de décolonisation et d'affirmation des souverainetés nationales, vise à mieux repérer les enjeux, à saisir les interactions et les dynamiques à l'oeuvre.
► Engagements individuels et décolonisation
31 mai 2012 - 14h-17h (Centre d'histoire judiciaire, faculté de droit, Lille)
Gaston Defferre, un avocat de l'émancipation des territoires d'outre-mer sous la IVème Républiquepar Benoît Hannart (Institut d'études politiques d'Aix-en-Provence)
Impliqué dans trois temps forts qui auront rythmé la IVème République, Gaston Defferre s'est investi fortement dans le devenir des territoires d'outre-mer fédérés au sein de l'Union Française et fut l'un des meilleurs spécialistes du sujet au sein du parti socialiste-SFIO. Chargé d'une mission d'évaluation suite aux émeutes de Madagascar pendant l'été 1947, il fut presque dix ans plus tard, le promoteur déterminé de l'autonomie des territoires de l'AOF, de l'AEF , de Madagascar, du Togo et du Cameroun avec la loi-cadre n°56-619 du 23 juin 1956 et ses décrets d'application. Son adoption fit l'objet d'un large consensus, mais sa mise en oeuvre fût contrariée par l'accélération de l'histoire, entre la décomposition progressive de la présence française en Algérie et l'aspiration inéluctable de plusieurs leaders africains à une réelle maîtrise de leurs destins politiques.
Les événements d'Algérie ont été un autre fait, permettant à Gaston Defferre de marquer sa différence en prônant la négociation plutôt que l'usage de la force et de la torture. Homme politique d'anticipation et de modernisation, il fût l'un des acteurs majeurs d'une décolonisation pacifique de l'Afrique Noire en prônant une troisième voie entre le colonialisme borné et l'abandon pur et simple des anciennes possessions françaises outre-mer.
Portrait d'un ministre tunisien : Ahmed Mestiri ou l'exigence de souveraineté, 1957-1960
par Samia El-Mechat (Université de Nice/IHTP)
L'indépendance du Congo belge. Mwissa Camus, doyen des journalistes congolaispar Marie Fierens (Université libre de Bruxelles)
Discutantes: Anne-Claire Bonneville (INALCO) et Florence Renucci (CHJ/CNRS)
L'accession du Congo belge à l'indépendance est le fruit d'une évolution politique à laquelle de nombreux individus ont été associés d'une manière ou d'une autre.
Nous proposons de retracer le parcours de l'un deux; Mwissa Camus, le doyen des journalistes congolais, né en 1931, afin de cerner comment sa trajectoire personnelle, en tant que personne appartenant à l'«élite», peut éclairer la trajectoire de son pays jusqu'à la date historique du 30 juin 1960.
En nous basant sur un entretien réalisé avec lui en 2010, sur ses notes de réflexion à propos de la presse de son pays, sur des articles de journaux congolais de 1960 ainsi que sur des témoignages de seconde main, nous suivrons son itinéraire dans le contexte politique d'alors.
Brillant élève de l'enseignement missionnaire, il est engagé en 1950, un peu par hasard, par le journal catholique Le Courrier d'Afrique. Il est un des premiers Congolais à intégrer une rédaction - blanche comme toutes les autres à l'époque. Il a pour consigne de ne rédiger que des articles sportifs et de ne pas se mêler de politique. Mais en 1956, il se joint à un groupe d'«évolués», désireux d'établir un dialogue entre Belges et Congolais, pour rédiger le Manifeste de la Conscience africaine, premier document à parler d'émancipation politique.
Le Manifeste ainsi que les réactions qu'il a suscitées marquent l'éveil des consciences et font rapidement évoluer les idées; le journalisme congolais s'en ressent. En 1958, les Congolais reçoivent l'autorisation de posséder leur propre organe de presse. Ces nouveaux journaux relaient leurs revendications: davantage de reconnaissance de la part des colons et plus de justice. L'indépendance n'est pas encore une préoccupation majeure. C'est à cette époque également que sont autorisés les premiers partis politiques; Mwissa Camus crée l'Union progressiste congolaise.
Quelques années plus tard, les prises de positions se radicalisent et l'indépendance est au coeur des débats. Les Congolais qui prônent une autonomie immédiate, synonyme selon eux de la fin de «l'asservissement», se confrontent à ceux qui veulent que des cadres capables de diriger le pays soient formés préalablement. Mwissa Camus fait partie de cette deuxième catégorie.
«Lorsque le mot `indépendance' a été lâché et qu'on voyait ceux qui s'agitaient pour courir derrière ce mythe, nous nous sommes dit: `Le pays est foutu. (...). C'est bien beau de prôner l'indépendance immédiate. Mais demain les Blancs vont partir: qui va enseigner à l'université, qui va diriger le service des impôts, le parquet, etc. ?'».
Ses prises de positions ainsi que celles d'autres intellectuels n'y changeront rien: le 30 juin 1960, le pays accède à l'indépendance.
Acteur presque malgré lui de l'émergence de la presse congolaise, quelques années plus tard Mwissa Camus portera publiquement ses propres revendications politiques. En le suivant tout au long des années qui ont précédé l'indépendance, nous verrons comment son parcours peut témoigner de l'émergence du métier de journaliste au Congo, de la position sociale et bientôt politique de ces nouveaux «professionnels» ainsi que des ambiguïtés de leur position vis-à-vis des processus d'émancipation en cours. Cette démarche permettra également de s'interroger sur la façon de considérer le journaliste congolais de 1960 : était-il un «acteur», un «témoin», un «figurant» ou encore un «instrument» de la décolonisation?
► La décolonisation du Congo belge dans la mémoire des anciens coloniaux. Approche méthodologique
9 octobre 2012 - 14h-16h (MESHS, salle 1)
par Florence Gillet (Centre d'études et de documentation "guerre et sociétés contemporaines" - CEGES/Bruxelles)
L'intervention portera avant tout sur des interviews réalisées dans le cadre d'un projet sur les anciens coloniaux belges mené par l'intervenante et, de façon très concrète, sur la méthodologie utilisée. Il s'agira notamment d'aborder en les points suivants : la sélection des témoins, le choix de la méthode, la phase de préparation avec la rédaction de la grille d'entretien et la constitution d'un dossier documentaire individuel, l'entretien lui-même, le lien fondamental qui s'établit entre l'interviewer et le témoin, la phase post-entretiens et l'analyse des résultats. Les images seront essentiellement abordées en tant que support de certains témoignages oraux.
► L'Africa come carriera. Funzioni e funzionari del colonialismo italiano
23 octobre 2012 - 10h-12h30 (Centre d'histoire judiciaire en salle R3-08, faculté de droit).
par Chiara GIORGI
discussion animée par Silvia Falconieri (CNRS/CHJ) et Florence Renucci
Cet ouvrage reconstruit les parcours individuels et collectifs de ceux qui, à plusieurs reprises, ont travaillé ou vécu dans les colonies italiennes, en les gouvernant ou y ayant des fonctions administratives. Les fonctionnaires coloniaux ont joué un rôle décisif dans la colonisation et dans l'histoire de l'administration nationale, et ce, malgré leur mauvaise réputation, qui n'en constitue pas moins un signal significatif des rapports qu'ils ont pu avoir avec les populations colonisées. S'écartant de l'étude de la spécificité de «l'oeuvre» accomplie par ces fonctionnaires, ce livre analyse et recompose le profil de ce corps «spécial» de la bureaucratie, en le comparant aux expériences anglaise et française. Les reconstructions dynamiques du gouvernement colonial - dans ses institutions, ses fonctions et agents - permettent de mettre en lumière les caractéristiques du colonialisme italien et sur certains points également plusieurs des traits des classes dirigeantes italiennes du XIXe et XXe siècles. Enfin, il conduit à mieux comprendre les vicissitudes qu'a connues la Corne de l'Afrique sous la colonisation italienne.