Si nous prenons les trois mots qui figurent dans la devise de la République française et d'Haïti, liberté, égalité et fraternité, et essayons de les analyser d'un point de vue linguistique, nous constaterons qu'ils présentent des caractéristiques communes, certaines plus évidentes que d'autres. Parmi les plus évidentes figure leur appartenance à la même catégorie grammaticale ; il s'agit de trois substantifs qui, en outre, se terminent de la même manière.
Un fait un peu moins évident est que ces trois noms, comme la plupart des noms français terminés en -ité, dérivent d'adjectifs. À partir de cette observation, on peut se demander si ces nom héritent certaines propriétés des adjectifs de base, comme par exemple une partie de sa signification. Cette question nous mène directement au domaine des adjectifs et à leur classification sémantique, et soulève celle de savoir si les noms désadjectivaux sont affectés par les propriétés sémantiques des adjectifs dont ils dérivent. Notre hypothèse est, qu'en effet, ils le sont.
Néanmoins, l'étude des noms désadjectivaux n'est pas seulement intéressante dans une perspective linguistique ; d'un point de vue philosophique, on peut se demander si liberté renvoie à la même notion dans "La liberté, Sancho, est un des dons les plus précieux que le ciel ait fait aux hommes" et dans "Ingrid Betancourt a enfin retrouvé sa liberté". Il existe fondamentalement deux possibilités : soit l'idée générale de liberté illustrée dans la première phrase est construite à partir des libertés particulières, soit une liberté concrète, comme celle de la deuxième phrase, est une instanciation de l'idée universelle de liberté. C'est cette seconde option qu'on va explorer ici.
Dans la littérature, ces instanciations particulières de concepts universels sont connues sous le nom de tropes. Nous voulons aller encore plus loin et développer une sémantique où les individus sont considérés comme des faisceaux de tropes.
Séminaire organisé par Rafaël Marin (STL UMR 8163, université Lille 3)
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