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beatrice.touchelay[at]univ-lille[POINT]frCe projet s’inscrit dans des recherches entamées il y a quelques années sur les statistiques coloniales et postcoloniales en Afrique. L’approche est critique des statistiques, suivant Alain Desrosières ou Théodore Porter (Desrosières 2008 et 2000 ; Porter 1995 et 1986), parmi d’autres. Elle tient également compte des enrichissements apportés par les critiques de la critique (Labrousse 2016, par exemple), recourt à la socio histoire, à la pluridisciplinarité et, dans la mesure du possible, accueille des partenaires du monde non académique (archivistes, statisticiens et usagers du chiffre).
Le projet s’inscrit à contre-courant de nombreuses démarches qui ne tiennent pas, ou qui tiennent peu compte des statistiques produites en situation coloniale puis par des États devenus indépendants, considérant qu’elles sont approximatives voire inexactes ou manipulées. Constatant que ces statistiques existent, qu’elles ont été fabriquées et utilisées et quelles ont eu à un moment ou à un autre un sens pour certains, le projet consiste à « les faire parler », à en tirer tout ce qu’elles peuvent nous apprendre des conditions de leur production et des sociétés qu’elles sont censées refléter. Il entend « disséquer » les statistiques, reconstituer minutieusement les étapes de leur fabrication (de l’intention à l’enquête jusqu’à la diffusion et la réception de ses résultats), analyser les motivations de leurs commanditaires, de leurs producteurs et de leurs usagers, pointer leurs enjeux (inclusion de cequi est compté et exclusion de ce qui ne l’est pas) et ceux de leurs classifications (actifs/inactifs, visibles/invisibles). Il s’agit aussi d’étudier les effets de ces statistiques sur les relations économiques et sociales, de préciser ce qu’elles montrent, les brouillards qu’elles introduisent (Tiquet 2017) ou ce qu’elles ne montrent pas (Serra et Jerven 2021), de cerner la façon dont les institutions et les populations s’en emparent et de préciser ce qu’elles en font. Ces statistiques, leur fabrication, leurs usages et leurs effets sont abordées à différentes échelles, croisant le niveau individuel pour examiner par exemple les relations entre enquêteurs et enquêtés, entre administrateur colonial et autorités de métropole, et collectif, à l’échelle de la ville, de la nation, du monde (Jerven 2013 sur les statistiques de la Banque mondiale, par exemple).
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