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La politique scientifique de la MESHS s'inscrit dans le paysage universitaire régional. Elle vise à encourager les chercheurs et enseignants-chercheurs des unités qui lui sont affiliées à développer l'interdisciplinarité entre sciences humaines et sociales et avec les autres sciences et à promouvoir l'internationalisation des recherches. Complétant les Appels à Projets lancés annuellement, la MESHS anime, dans le cadre de son programme quinquennal 2020-2024, deux programmes scientifiques et de deux actions transversales détaillés ci-après.
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L’anticipation qualifie l’activité qui cherche à saisir par avance, c’est-à-dire qui cherche à prévoir, imaginer, se représenter ce qui va arriver. Cela renvoie à trois types de rapport que l’on peut nouer avec le temps : (1) un rapport de prédiction/prévision et, ce faisant, d’adaptation, à un avenir incertain et complexe ; (2) un rapport imaginaire qui renvoie à l’idée que l’on peut construire l’avenir en fonction d’une représentation (question de l’innovation, et plus radicalement de l’utopie), mais aussi (3) un rapport non causal et non constructif, qui considère que tout n’est pas anticipable, qu’il y a de l’incertitude radicale.
(1) Pré-voir, pré-dire, (s’)adapter
L’anticipation suppose un certain rapport au temps qui est lui-même une construction historique. Elle tente de pré-voir ou de pré-dire à partir d’éléments fournis par le passé, le présent et de figurations de ce qui est à venir (« présentisme »). Il s’agit de s’adapter, en se représentant les conséquences de ces adaptations, et en définissant des stratégies pour atteindre des objectifs possiblement déterminés au préalable.
Il s’agirait donc de réduire l’incertitude et de prendre en compte la complexité. Dans quelles mesures cette approche permet-elle de rendre compte de phénomènes dont s’occupent les sciences humaines et sociales ? L’art de prévoir et d’anticiper passe-t-il par la recherche d’une maitrise accrue de son environnement avec des outils de prévision et de prédiction de plus en plus ciblés et précis ? Peut-on porter un avis normatif, positif sur ce rapport évolutif de l’homme à son environnement ? Comment la société doit-elle encadrer juridiquement, politiquement, éthiquement ces nouveaux rapports ? L’anticipation est une notion centrale pour comprendre les phénomènes à l’échelle autant individuelle que collective, à l’échelle des groupes et des organisations dans un contexte social. Les erreurs individuelles et les crises globales émanent-elles de défauts d’anticipation et par là-même d’adaptation ? Adaptation et anticipation sont-elles liées ? L’adaptation à un environnement changeant passe-t-elle par une continuité ou une rupture par rapport au passé ? Quelle est la part de l’invention et de la création ou des routines et des conventions sociales dans les phénomènes d’anticipation ? Ces phénomènes sont-ils seulement volontaires et réfléchis ou peuvent-ils se produire passivement (affect, inconscient) ? Par ailleurs, y a-t-il de « bonnes » ou de « mauvaises » façons d’anticiper ? Ou ne peut-on aborder les questions d’anticipation que de façon descriptive et a posteriori ? De façon générale, l’anticipation ne mobilise-t-elle pas de façon implicite ou explicite une axiologie ?
Au demeurant, la dimension de représentation n’est pas la seule dimension à étudier ; il importe de s’intéresser aux effets des processus d’anticipation. Par exemple, dans quelle mesure la prédiction ne modifie-t-elle pas le phénomène dont elle prétend rendre compte à la façon des prophéties autoréalisatrices ?
(2) Utopie, fiction, innovation
Sous des formes diverses, on retrouve des aspirations utopiques qui relèvent le plus souvent du même schéma : la présentation d'un modèle théorique, à la fois politique, économique et social, décrivant une société idéale dont les différents rouages se combineraient parfaitement. Elle s'accompagne d'un message, d'une volonté ou d'une image, souvent politique ou philosophique, que l'auteur cherche à transmettre, plus ou moins consciemment. C’est l’occasion de réfléchir sur la fonction, la puissance créatrice de l’imaginaire. Ces modèles utopiques peuvent prendre une expression littéraire (romans, de La nouvelle Héloïse aux romans de science-fiction), ou plus généralement artistique, ou bien théorique (par exemple les utopies socialistes et communistes, les utopies scientifiques et technologiques). Ces réflexions incluent également les objets qui en sont proches comme les contre-utopies, les anti-utopies, les dystopies, voire les uchronies.
Quelle est la place qu’ont eue les utopies dans l’histoire et notamment dans l’histoire des mouvements sociaux et politiques ? Quelle est la place des imaginaires présents dans l’anticipation de sociétés futures ? Que disent de notre présent nos représentations du futur ? Comment penser notre rapport aux nouvelles technologies (appréhension enchantée ou anxiogène du numérique), à l’intelligence artificielle, à la collecte massive et au traitement des données personnelles ? Quel est le rôle des utopies et des dystopies dans les progrès scientifiques et technologiques ? Ces derniers ne sont-ils pas (devenus) le lieu de nombreux fantasmes sociétaux et humains (transhumanisme)? De façon plus générale, comment penser notre rapport aux innovations ?
(3) Événement et inanticipable
Tout ce qui arrive dans le monde humain, tout « événement » n’est pas forcément anticipable. On peut aussi définir « l’événement » comme ce qui ne peut prendre place dans la chaîne causale, ce qui résiste à la rationalité ex post qui veut l’inscrire dans un régime de causalité qui prétendrait maîtriser l’avenir. Cela conduit à questionner le besoin de rationalité : la rationalité n’est-elle pas toujours rétrospective ? Ne fait-elle pas disparaître l’événement en tant qu'événement, puisqu'il désigne un vécu qui résiste à la rationalisation, qui veut l’inscrire dans la causalité. Lorsqu’il n’est pas galvaudé par l’idéologique médiatique qui fabrique des évènements avec n’importe quoi, l’événement n’est-il pas précisément ce qui désigne une limite à toute anticipation ? D’où vient l’événement ? Quelle est l’origine de l’incertitude radicale qui caractérise le monde humain, par opposition à la réalité naturelle ? Comment la notion d’ « événement » a-t-elle été appréhendée dans les cultures, les formes artistiques, les systèmes religieux, les systèmes de pensée ? Comment nos sociétés se préparent-elles pour faire face à l’événement ? A « l’in-anticipable » ? A l’irreprésentable ?
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