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La politique scientifique de la MESHS s'inscrit dans le paysage universitaire régional. Elle vise à encourager les chercheurs et enseignants-chercheurs des unités qui lui sont affiliées à développer l'interdisciplinarité entre sciences humaines et sociales et avec les autres sciences et à promouvoir l'internationalisation des recherches. Complétant les Appels à Projets lancés annuellement, la MESHS anime, dans le cadre de son programme quinquennal 2020-2024, deux programmes scientifiques et de deux actions transversales détaillés ci-après.
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catherine.roche[at]univ-littoral[POINT]frfanny.vasseur[at]univ-artois[POINT]fr
La vulnérabilité est une notion qui permet de qualifier la situation d’un sujet en tant qu’il est fragile (ou qu’il risque de le devenir), c’est-à-dire en tant qu’il est plus ou moins sensible à ce qui peut affecter, voire altérer son intégrité, son identité, son fonctionnement, sa durabilité, son développement. Cette notion peut également s’appliquer à un groupe, à des objets, à des systèmes.
Dans un monde de plus en plus mouvant, faisant face à des transformations multiples, la problématique de la vulnérabilité est une clé d’entrée fructueuse pour essayer d’en saisir l’évolution incertaine (et ce, en lien avec la seconde thématique de-des anticipation(s) ). Pour autant, la notion de vulnérabilité et le développement récent de son usage pour des situations multiples qui auparavant étaient identifiées sans mobiliser cette notion, demandent à être problématisés dans leur historicité.
Cette notion appelle d’emblée plusieurs types de questionnements, de nature purement théorique ou dans une perspective plus appliquée, questionnements qui s’enchaînent, s’articulent ou se croisent : (1) sur le sujet en situation de vulnérabilité ; (2) sur les formes de vulnérabilité (comprenant leur inscription dans le temps et dans l’espace) ; (3) sur les facteurs de vulnérabilité susceptibles de rendre compte d’un état de vulnérabilité ou du risque de vulnérabilité ; (4) l'évaluation de la vulnérabilité ; (5) sur les dispositifs de défense, de résistances, de résilience, de prévention qui permettent d’affronter une menace, de limiter ou réduire plus ou moins fortement, voire de faire disparaître l’état de vulnérabilité ou le risque de vulnérabilité.
L’usage désormais extensif de ce vocable devra aussi être problématisé en lui-même : apporte-t-il un effet de connaissance original ou utile, ou bien ne sert-il qu’à dissimuler, ou à édulcorer, des réalités ou des situations qui autrefois étaient qualifiées autrement, plus radicalement, n’est-il qu’un euphémisme participant du « politiquement correct » ?
(1) Le sujet en question
Le sujet en question peut être de nature très différente : une personne humaine et son parcours de vie, un animal, un groupe social, une population, un territoire, une entité politique, une culture, un savoir, une histoire, une mémoire, une langue, une oeuvre (création ou production), un système (sociotechnique, socio-économique, juridique, politique), un écosystème, un environnement, un paysage, un patrimoine, une institution, une organisation, un mode de vie, une civilisation. Les différentes disciplines des SHS trouveront aisément leur place et la spécificité de l’angle d’attaque de leur recherche. Pour autant, ces découpages, pour confortables qu’ils soient sur le plan analytique, sont-ils tenables ? Ne faut-il pas aussi les questionner, examiner les combinaisons/recoupements possibles ? A ce niveau, le questionnement pluridisciplinaire prend tout son sens.
(2) Les formes de vulnérabilité
La caractérisation des formes de vulnérabilité est un chantier important, et pour l’heure largement encore en friche en SHS. Qu’est-ce qu’un sujet vulnérable ? Selon quels critères considère-t-on qu’un corps, une personne, un groupe, une organisation, une oeuvre, une civilisation sont exposés à la blessure ou à la destruction, objet possible ou probable de maltraitance ou de négligence ? Pourquoi et à partir de quels éléments une personne ou une organisation est-elle considérée comme devant être secourue, soutenue ou protégée ? La vulnérabilité affecte-t-elle tous les sujets et les objets de la même façon ? N’existe-t-il pas des inégalités dans les situations de vulnérabilité ? Quel(s) lien(s) peu(ven)t être établi(s) entre vulnérabilité et risque ? Qui peut et qui doit identifier cette vulnérabilité ? Quelles sont les normes politiques, juridiques, éthiques, psychologiques et sociales mobilisées, les argumentations déployées, les représentations projetées, les agencements matériels qui constituent un état de vulnérabilité ?
(3) Les facteurs de vulnérabilité
Les facteurs de vulnérabilité sont de nature multiple et combinent leurs effets, ce qui rend difficile l’analyse (et en conséquence, l’anticipation). Chaque discipline de SHS peut caractériser certains facteurs, même si aucune ne peut, à elle seule, épuiser la compréhension. L’occasion d’une démarche de collaboration interdisciplinaire est alors donnée, afin d’articuler avec plus d’ampleur les perspectives pour saisir les véritables tenants et aboutissants des phénomènes de vulnérabilité. En particulier, les connaissances issues des SHS gagneraient considérablement à se rapprocher des sciences de la nature (notamment la médecine, les sciences de l’environnement) ainsi qu’avec le questionnement autour de la réalité virtuelle (le lien avec les 3 hubs de l’I-SITE ULNE apparaissant ici particulièrement).
(4) L’évaluation de la vulnérabilité
La vulnérabilité est une notion très complexe que les avancées de l’interdisciplinarité permettent aujourd’hui de mieux appréhender. En cela elles renouvellent les recherches dans ce champ pour mieux caractériser la vulnérabilité. Les réflexions académiques sur les catégories (juridiques, administratives, conceptuelles, politiques, etc.) et sur les indicateurs de vulnérabilité pour l’aide à l’évaluation et à la décision ne sont pas nouvelles. Comme il est difficile d’améliorer ce qui n’est pas codifié et mesuré, une démarche d’évaluation apparait nécessaire. Elle permettra d’aider à hiérarchiser les actions à entreprendre, à anticiper et à suivre les impacts d’une politique, à faire progresser la compréhension de la vulnérabilité ou à proposer un socle commun entre les parties prenantes.
Mais les différentes caractérisations de la vulnérabilité peuvent-elles et doivent-elles toutes faire l’objet de mesure ? Avec quelles conventions et dans quel cadre doit-on construire ces indicateurs ? Quels peuvent être les usages et les conséquences de l’utilisation de ces indicateurs ? Les recherches en SHS et les outils d’évaluation développés doivent-ils contribuer à la constitution d’un référentiel sur la vulnérabilité ?
(5) Résilience, protection, remédiation, résistance
La vulnérabilité ne se réduit pas à un risque ou état caractérisant un sujet ou un objet ; lui sont souvent associés des dispositifs de mobilisation, de résistance, de résilience ou de construction par lesquels le sujet ou l’objet fait montre de sa capacité à surmonter une altération de son intégrité ou de son environnement. Ces dispositifs sont-ils d’ordre naturel ou construits ? Comment fonctionnent-ils ? Comment évoluent-ils ? Peuvent-ils faire l’objet d’action ou de politiques publiques ? D’attitudes particulières (thématique du « care », du « prendre soin ») ?
Plus fondamentalement, la notion de vulnérabilité fait référence à la condition du vivant que cette condition déploie et aménage, à ce que les philosophes ont qualifié de finitude essentielle (fragilité, souffrance, mortalité) et dont de nombreuX artistes se sont saisi en toute période. Les développements technologiques actuels ne conduisent-il pas à penser quelque chose comme un dépassement possible de cette condition ? (Thématiques du post-humain, du transhumanisme, en lien avec la thématique de l’anticipation) Dans quelle mesure ce possible modifie et/ou reconfigure-t-il notre rapport actuel à la vulnérabilité ?
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