Si les progrès des neurosciences et la découverte depuis cinquante ans de médicaments psychotropes permettent aujourd'hui de mieux comprendre et de mieux prendre en charge les maladies mentales, il n'en demeure pas moins que l'étude du comportement humain normal ou pathologique, ainsi que sa modification par des substances pharmacologiques ou des stupéfiants sortent du strict champ médical pour interroger l'ensemble de la société sur des notions aussi diverses que la définition de la normalité, l'assuétude et la perte de liberté liées à l'addiction, sur les possibles manipulations comportementales de toute une population par un usage excessif de psychotropes. L'objectif de la journée d'étude sera d'aborder de manière multidisciplinaire ces questions, en maillant l'approche des différents spécialistes de sciences humaines et sociales (sociologues, anthropologues, juristes, philosophes...) à celle des spécialistes de neurosciences (psychiatres, neuropsychologues, neurobiologistes, neuropsychopharmacologues...).
Cette journée d'étude aborde trois dimensions du thème « Psychotropes et société » :
- La première question aborde la problématique du regard de la société sur la maladie mentale, en particulier des craintes qu'elle suscite et qui ont conduit et conduisent encore à l'enfermement et au recours aux psychotropes, dans une perspective normative. L'abord peut être : historique, en remplaçant les politiques publiques vis-à-vis du statut du malade mental dans son historicité ; juridique avec une interrogation sur l'hospitalisation sous contrainte et l'obligation de soin ; philosophique et sociologique en questionnant les notions de normalité individuelle et de normes sociales qui sous-tendent la définition de la maladie mentale au-delà de ses aspects strictement médicaux et psychopathologiques. L'influence des approches des neurosciences (imagerie, génétique, biologie...) sur la définition du statut individuel et social de la maladie mentale sera abordée.
- La deuxième partie de la journée d'étude s'intéresse à la signification de la surconsommation de psychotropes, particulièrement aiguë en France, à un moment où les enquêtes sociologiques ou les analyses politiques tendent à montrer que la société française est plus pessimiste que les autres communautés nationales. La surconsommation des psychotropes est-elle le symptôme d'un dysfonctionnement social plus global ? Quelles sont les conséquences politiques et sociales d'une consommation de médicaments comme les benzodiazépines et les antidépresseurs, dont on sait qu'ils peuvent changer significativement le comportement humain, chez des patients atteints de maladie mentale, mais aussi chez des sujets « sains ». La réponse pharmacologique individuelle se substitue-t-elle à une réponse politique et sociale à un mal-vivre et n'est-elle pas une perte de liberté et une manière d'annihiler toute révolte sociale ?
Les approches historiques, sociologiques, anthropologiques et philosophiques sont confrontées aux données pharmacologiques et comportementales. - Le troisième sujet concerne la question de l'addiction, en développant plusieurs aspects : (i) la notion de perte de liberté à la fois individuelle en raison de l'assuétude au produit, mais aussi judiciaire, liée à la répression de l'utilisation de substances illicites ; (ii) les liens complexes entre souffrance et plaisir dans leurs dimensions anthropologiques et philosophiques ; (iii) les interactions entre addiction, dopage et performance afin de voir l'influence du contexte social sur les pratiques individuelles.
Grâce au dialogue engagé, cette journée devrait permettre de donner un aperçu de la manière dont peuvent se développer des travaux de recherche collaboratifs entre le monde des neurosciences et celui des SHS.
Journée d'étude organisée par la MESHS et le pôle DN2M.
Jeudi 9 février 2012 | MESHS, espace Baïetto
2, rue des Canonniers - Lille (plan)
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