Le rire impressionne par son extension. Il est partout, pourrait-on dire. Chez l'enfant avant même qu'il ne sache parler, il traverse les âges, il traverse les codes sociaux, s'adapte aux cultures. Il s'en joue parfois pour les confondre. Le carnaval l'érige en moment de désordre salutaire. L'esprit souhaite le raffiner au possible et en faire un moment de distinction. La société du spectacle s'y alimente comme auprès d'une valeur commerciale et sûre de ses effets. Mais quelle que soit sa manifestation, on entend ses éclats.
On le dit « le propre de l'homme », et ce serait presque un réconfort de savoir que cette énigme, ce moment de communion entre le sens et le corps (car il faut bien un corps pour rire), est une spécificité humaine. Le rire, disait Baudelaire, est l'idée dans l'homme de sa supériorité, et de sa misère infinie. Misère face au sacré, supériorité face aux animaux (De l'essence du rire).
Et si pourtant l'animal riait ? De cette mauvaise nouvelle aussi peut-on rire ?
La MESHS propose un parcours dans cette réalité complexe, multiforme et captivante qu'est le rire. Il s'agira sans doute d'un exercice de réflexion et de description, il s'agira certainement aussi d'exercices pratiques. À vérifier sur place. Voici un bref aperçu des réjouissances.
Il nous faudra donc commencer par cette éternelle question du « propre de l'homme » (posée par Aristote, renouvelée par Rabelais ou Baudelaire). C'est pourquoi la paléoanthropologie ouvrira ce Printemps par des considérations sur les grands singes. L'homme a-t-il besoin d'être le seul à rire pour pouvoir continuer de rire (26 mars)?
Une fois délestés de ce double infini de grandeur et de petitesse qui a maintenu longtemps le rire dans la référence religieuse et sacrée («le sage ne rit qu'en tremblant»), nous pourrons nous attacher aux corps rieurs (27 mars), nous pourrons apprécier le spectacle du rire (28 mars), qu'il nous renvoie à la scène moderne ou à l'antique et fameuse comédie d'Aristophane (2 avril).
Nous envisagerons le rire là où il apparaît aussi contrasté que troublant : à l'hôpital (3 avril). Si la médecine a produit l'humour carabin, le monde de la santé réserve aux rieurs et faiseurs de rire d'autres égards que l'humour noir ou le rire jaune. Il y a peut-être, derrière le rire, une forme de sollicitude et pourquoi pas de soin, sinon de thérapie.
Nous irons visiter quelques grandes étapes historiques du rire public et retracerons ce chemin qui mène du libelle du XVIIe siècle aux talk-shows de notre modernité (4 avril) où la politique parfois s'abîme.
Ces détours historiques nous feront traverser le fascisme et le totalitarisme européens et les réactions qu'ils ont suscitées (8 avril), façon de s'emparer ou de dénoncer le rire et son attachement à une forme de populisme. L'histoire littéraire, quant à elle, nous permettra de saisir quelques grands traits du rire et de l'humour au XXe siècle (9 avril), parfois volontairement détournés des drames historiques.
Si l'on fait exception du fameux « rire des dieux » en Grèce ancienne ou dans les religions païennes, il semble de mauvais goût de faire rire le dieu ou le prophète. Il est encore moins recommandé de rire de lui. Nous revisiterons les trois monothéismes et chercherons dans la tradition la façon dont les usages du rire se sont institués (10 avril). Ce qui nous permettra d'appréhender plus finement des polémiques récentes, nées souvent de la méconnaissance des traditions textuelles.
Enfin, il est un fait de culture qui ne saurait nous laisser indifférents : le cinéma, art du XXe siècle s'il en est, a pris naissance dans le rire. L'arroseur arrosé des frères Lumière, les grands burlesques, le cinéma muet, puis la comédie américaine... Nous finirons ce parcours par un séjour dans le septième art, extraits à l'appui (11 avril).
Le Printemps des sciences humaines et sociales est ouvert à tous les publics. La parole s'y échange avec plaisir. Toutes les séances sont libres d'accès, elles ont lieu à 18h.
Venez nombreux.
Frédéric Gendre
Chargé de médiation scientifique, MESHS
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