En contexte muséal, la médiation scientifique et culturelle est conçue pour enrichir l’expérience de visite des publics et rendre accessible les savoirs experts. Elle opère pour contrer la vulnérabilité que peuvent éprouver certains visiteurs face aux œuvres d’art. Cette vulnérabilité est d’autant plus grande lorsqu’ils sont amenés à découvrir des œuvres anciennes dont le contenu et la forme sont décontextualisés et leur paraissent éloignés de leur propre époque. L’enjeu du projet EXART consistait, par conséquent, à accompagner le visiteur sans qu’il se sente ignorant et infondé dans son rapport aux œuvres. L’institution muséale propose en effet des connaissances approfondies sur les œuvres, mais une question récurrente se pose pour tout type de musée : ce regard expert rencontre-t-il celui des publics qui ne disposent pas du même savoir ? Par exemple, sur quels éléments d’un tableau l’attention d’un enfant ou d’un néophyte se porte-elle ? De quelle manière le contexte social et culturel influence-il la perception des visiteurs ?
Pour répondre à ces questions, l’historienne de l’art Gaëtane Maës et le sociologue Mathias Blanc ont associé leurs travaux pour explorer une nouvelle forme de médiation permettant d’apporter un savoir expert aux publics actuels en les impliquant directement dans ce savoir à travers l’analyse de leurs sensations face aux œuvres. Pour cela, le projet prévoyait de présenter aux visiteurs du musée du Louvre-Lens cinq œuvres du XVIIIe siècle issues de la Galerie du Temps et à enregistrer leur parcours visuel sur ces œuvres par l’intermédiaire de l’outil Ikonikat conçu par Mathias Blanc au sein de l’IRHiS-UMR 8529 de l’université de Lille. Expérimenté au musée du Louvre-Lens depuis 2017, ce dispositif numérique et participatif d’annotation par le tracé servait jusqu’à présent à identifier les savoirs mobilisés par les visiteurs face aux œuvres. L’innovation du projet EXART a consisté à intégrer un volet supplémentaire au dispositif en offrant au visiteur une présentation du savoir expert sur ces œuvres. La médiation bénéficiait ainsi d’un dispositif numérique prévu initialement à des fins d’étude sur la réception des œuvres par les publics.
En pratique, le visiteur, muni d’une tablette affichant une reproduction numérique des peintures, était invité à souligner les éléments picturaux ou iconographiques qui lui semblaient essentiels ou qui l’interrogeaient : il pointait ou détourait ces éléments en dessinant des segments ou des courbes à l’aide des tablettes tactiles. Face aux cinq œuvres sélectionnées, il indiquait ainsi les motifs qui attiraient son regard. Un écran additionnel lui permettait ensuite de continuer à explorer la peinture en comparant ses tracés d’annotation à une présentation des connaissances expertes issues des recherches de l’historienne de l’art Gaëtane Maës. Cette présentation s’affichait sur la tablette sous forme de comparaisons de tracés et de textes contextuels directement liés aux éléments documentés par l’experte. Le visiteur pouvait ainsi confronter son regard à celui des spectateurs du XVIIIe siècle, tel qu’il est connu à travers les sources historiques.
Le dispositif a été déployé du 23 au 29 octobre 2020 dans la Galerie du Temps au musée du Louvre-Lens où les publics étaient accueillis par deux étudiantes en Master 2 Recherche en Histoire de l’Art de l’université de Lille. Associées au projet dans le cadre de leur formation, Laurine Delmas et Victoria Martinez étaient chargées de recueillir les expériences auprès des visiteurs tout en s’assurant de la représentativité de l’échantillon des publics. L’évaluation de l’activité fera l’objet d’une présentation lors du colloque prévu au Louvre-Lens les 10-11 juin 2021 sous le titre L’expérience sensorielle dans les expositions au XVIIIe siècle.
URI/Permalien: