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Le niveau élevé de technicité permet aujourd'hui d'envisager une amélioration significative de notre qualité de vie et du bien-être. Cependant, des inégalités subsistent en fonction des situations sociales et économiques, en fonction des personnes, des groupes et des territoires. Dans ce programme, c'est la notion de situation de handicap qui sera plus particulièrement interrogée dans son acception la plus large.
Ce programme vise à comprendre plus particulièrement comment la perception et la construction des espaces influent sur l'autonomie et la qualité de vie des acteurs touchés par des handicaps de différents types. Les notions d'autonomie et de qualité de vie sont ici appréhendées de manière multidimensionnelle puisqu'elles renvoient aussi bien aux capacités physiques et mentales qu'aux compétences sociales et aux ressources économiques. Elles invitent de ce fait à étudier différentes composantes des situations de handicap sur le plan sociétal, économique, politique, cognitif et affectif.
L'enjeu scientifique de ce programme est d'adopter un nouveau prisme d'observation et d'étude des situations de handicaps : il ne s'agit plus d'appréhender le handicap à travers la personne pensée comme inadaptée à la société mais de concevoir le handicap comme le produit d'un environnement qui génère des obstacles à l'expression des aptitudes individuelles et sociales des personnes. La situation de handicap résulte ainsi de la confrontation d'un individu avec son environnement immédiat, son univers socio-professionnel et de son lieu de vie. L'appréhension des situations de handicaps nécessite ainsi une mobilisation interdisciplinaire, à l'image des disability studies sur le plan international.
Cette approche conduit à envisager un certain nombre de questions :
- l'appréhension des situations de handicaps selon les contextes juridique, économique, psychologique et technologique, aussi bien dans le domaine de la santé que dans les milieux médico-sociaux et socio-éducatifs;
- la question de l'évolution du regard sur les personnes en situation de handicap en fonction des groupes d'appartenances, des normes et de la réglementation qui en découle pour une meilleure insertion sociale ;
- les nouveaux enjeux architecturaux, technologiques et d'assistance qui favoriseront l'accès à l'autonomie physique, cognitive et sociale ;
- le développement d'outils culturels et médiatiques, notamment adaptés aux enfants, dans le domaine de la littérature et des arts ;
- le problème de l'éthique en général mais plus particulièrement de l'éthique de la personne en situations de handicaps visibles et invisibles.
Les enjeux sociétaux d'un tel programme sont multiples et s'intègrent parfaitement aux défis sociétaux identifiés dans la stratégie Horizon 2020 qu'il s'agisse du défi «Santé, évolution démographique et bien-être», du défi «Sociétés inclusives et innovantes» voire du défi «Transports intelligents». Ce programme renvoie à des enjeux nombreux en termes de politiques publiques, de protection sociale, de prise en charge du vieillissement voire d'interaction homme-machine.
Le choix de ce programme repose sur une communauté de recherche susceptible de le mettre en oeuvre dans une perspective interdisciplinaire. À cet égard, il importe de noter que ce programme fait écho aux thématiques de recherche stratégiques de plusieurs établissements qu'il s'agisse de l'université Lille 2 (« Droit, sciences politiques, sciences économiques et santé » ou de l'université Lille 3 (« Santé, éthique, vulnérabilité ») ou de la Fédération universitaire polytechnique de Lille. Il s'appuie en outre sur des opérations structurantes (LABEX Alzheime et SIRIC ONCOLille), des projets à forte dynamique (opération « Perte d'autonomie dans le cadre des maladies neurodégénératives » financé par le Conseil général du Nord, projet de LABEX « Inclusions des handicaps ») ou l'expertise de plusieurs laboratoires comme le CERIES, le CLERSE ou URECA. Plusieurs projets ANR hébergés par la MESHS (projets AMAJ, INTERACT et VARAD, par exemple) constitueront également des points d'appui et de lancement.
De manière plus générale, ce programme est l'occasion de renforcer les partenariats entre la MESHS, les collectivités territoriales, les acteurs de santé publique et les associations. On notera l'attente forte du Conseil général du Nord, dont les compétences dans le domaine social et sanitaire en font un acteur et un interlocuteur de premier plan pour la mise en oeuvre de ce projet (via notamment la Maison départementale du Handicap), mais aussi la possibilité d'approfondir les relations avec l'Agence régionale de santé ou le CHRU de Lille.
Globalement, les travaux menés dans cet axe bénéficieront des collaborations nationales et internationales qui sont déjà initiées, entre autres, avec l'Université Libre de Bruxelles, et les universités de Liège, de Louvain la Neuve, de Lausanne ainsi que des universités à l'étranger au Canada (Trois-Rivières, Québec, Montréal, Ottawa), en Italie (Trieste, Rome), Suisse (Fribourg), en Angleterre (Sheffield, Birmingham, London). Ils s'inscrivent globalement, entre autres, dans les réseaux thématiques différents : réseau EuGeStA, Institut Fédératif de Recherche sur le Handicap (IFRH - pôle Mobilité durable et Handicap) et le GT Handicaps de l'EHESS.
Tous ces atouts permettront d'organiser ce programme en différents axes.
> Handicaps, espaces, utopie
Des initiatives politiques - institutionnelles, militantes, professionnelles, associatives - renouvellent la construction des situations associant handicap, environnement, intégration, formation, et travail. Cette volonté de changement s'exprime dans une approche du handicap non comme un attribut des individus mais comme un aspect de la socialisation, du vivre-ensemble, du bien-être, de la politique de la santé, de l'éducation, de l'environnement et de la culture. Redessiner les espaces urbains et domestiques en prenant en compte ces situations de handicaps conduit parfois à bousculer les conceptions traditionnelles de la ville ou de l'habitat. Cette prise en compte fournit alors la base d'une « utopie », associant l'imagination politique, le souci des valeurs, la prise en compte de la complexité sociale et culturelle, propice à un type de recherche-action renouvelant les relations entre chercheurs, professionnels et usagers. Ce travail est déjà intégré dans des projets en cours tels « Obésité sévère et aménagement de l'habitat » ou le vaste projet « Humanicité » (FUPL).
De manière plus habituelle, la gestion des espaces publics par les collectivités dans le cadre de l'évolution de la ville et de l'urbanisme fait l'objet de politiques publiques volontaristes orientées sur l'accessibilité. D'un point de vue juridique, l'insertion dans la réglementation des conditions et critères en faveur de l'accessibilité mérite une réflexion approfondie en droit public et constitutionnel national et européen compte tenu de l'adoption de directives européennes sur cette question. Les aspects du contentieux public de l'accessibilité doivent être étudiés afin d'identifier à la fois les conflits en cause et la position des juridictions eu égard aux principes fondamentaux applicables en la matière. Quelques aspects de droit comparé peuvent aussi être envisagés (notamment du point de vue constitutionnel) car le thème est commun à l'ensemble des Etats membres de l'Union européenne ; ils pourraient constituer le point de départ de projets inter Régions et/ou européens.
Enfin, au-delà de l'élaboration des normes techniques d'accessibilité dans la réglementation, on peut se demander comment la technologie, l'innovation, la création des espaces peuvent s'exprimer en anticipant l'objectif d'accessibilité et d'inclusion. Cette question renvoie alors aux interactions possibles entre homme et artefacts techniques.
> Technologie et appréhension des handicaps
L'innovation technologique incite à utiliser les nouvelles technologies pour accompagner les personnes en situations de handicaps mais aussi pour évaluer ces dernières. Ainsi, des projets de recherche seront menés pour voir comment les nouveaux outils technologiques (tablettes, téléphonies nouvelles générations, prothèse intelligent) peuvent venir combler à un certain degré la situation de handicaps auxquelles font face certains individus. On pourra s'intéresser ici plus particulièrement ici aux handicaps cognitifs et/ou relationnels liés à la maladie mentale et à la souffrance psychique, au sens large. Ainsi, différentes disciplines de la psychologie et de l'ergonomie seront croisées (psychologie cognitive, psychologie sociale, psychologie du développement et de l'éducation, ergonomie cognitive et de travail) pour mettre en oeuvre une approche situationnelle du handicap. Les dimensions physiques, cognitives, émotionnelles et sociales des situations de handicap seront abordées dans une perspective « vie entière » (de l'enfant à la personne vieillissante).
La question des nouvelles formes de l'évaluation des situations de handicaps sera également abordée dans la mesure de la nature et du degré de handicaps est au coeur de la prise en charge (exemples : tests mémoires, tests de QI qui sont utilisés maintenant de façon généralisée). La question de l'innovation pourra suivre deux directions différentes mais complémentaires. Tout d'abord, comment adapter les tests à une population de personnes ayant un niveau d'éducation plus important qu'au siècle dernier et une expérience grandissante avec les nouvelles technologiques? Ainsi, par exemple, il pourrait être intéressant de voir comment faire migrer l'approche classique papier-crayon vers des supports numériques qui permettraient une collecte, une analyse mais également une acceptation augmentée des évaluations, notamment dans des populations de jeunes adultes. L'utilisation du numérique permet de plus d'envisager des bilans moins longs et donc, mieux adaptés à une population de personnes sensibles à une fatigabilité pathologique.
Ces nouveaux outils d'évaluation des compétences et des capacités cognitives et émotionnelles pourront être intégrés au sein de programme de stimulations cognitives (exemples : éducation des fonctions mnésiques et des fonctions exécutives par des entraînements personnalisés et spécifiques), de remédiation cognitive (exemples : utilisation des activités physiques adaptées pour réactiver les fonctions motrices et cognitives avec des mesures avant/après) afin de permettre une meilleure appréhension des espaces. La question alors est de démontrer la validation des évaluations (par approches statistiques) mais également le transfert des bienfaits/transferts des apprentissages dans la vie quotidienne, pour une « santé durable du corps et de l'esprit ». En collaboration avec les écoles d'architecture et certaines écoles d'ingénieurs de la région Nord - Pas-de-Calais, des travaux auront également pour objectif d'inclure les notions de facilité, d'accessibilité et de compréhension des outils de suppléances offerts aux personnes en situations de handicap, notamment dans le cadre des habitats intelligents en lien notamment avec le partenariat existant dans le cadre du cluster « Habitat, bâtiment intelligent ».
> Handicaps, accompagnement, milieux de vie
Cette thématique vise à étudier, mais aussi à développer, des innovations pratiques dans les milieux urbains, en vue du rétablissement (recovery) des personnes en situation de handicap psychique, innovations inspirées par les utopies italiennes, les expériences de la santé communautaire brésilienne ou les expérimentations québécoises. Parmi les terrains d'étude ou les modèles possibles, on citera le développement des « groupes d'entraide mutuelle », celui des « équipes mobiles psychiatrie et précarité » ou encore, de « soins intensifs dans la cité » ou du travail de disponibilité en liaison avec les écoles, les maisons de retraite, les foyers d'accueil et d'hébergement, les réseaux d'alerte.
Une autre piste de travail concernera l'accompagnement des personnes handicapées sur les lieux de travail pour aider à l'intégration sociale de personnes ayant récupéré une certaine autonomie. Ainsi, il s'agira d'étudier les dispositifs didactiques et pédagogiques proposés aux personnes en situation de handicap pour favoriser leurs apprentissages aussi bien en milieu scolaire qu'en milieu extra-scolaire (professionnel, associatif, sportif). Trois dimensions seront plus particulièrement étudiées : les rapports individu-groupe (modalités de participation aux pratiques collectives, formes d'interactions), la dimension médiation-développement (comment les outils à la fois réels et symboliques médiatisent l'activité d'apprentissage de ces publics ?) et l'éducation artistique et sportive (les pratiques artistiques permettent-elles l'apprentissage de valeurs favorisant le vivre ensemble ? L'art et/ou le sport peut-il servir à promouvoir l'insertion sociale, culturelle et scolaire des enfants vulnérables ?) en lien avec le programme « Travail et création ».
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